Il y a deux ans, j’avais fait des choux de Chine, très utiles pour le maraîcher car précoces et rapides à produire pour le printemps qui est une période avec très peu de production, et donc d’autant plus difficile à gérer quand on vend en paniers.
Pour faire des paniers, il faut de la diversité et de la quantité : si on ne peut mettre que des radis et des épinards (ce que j’ai en ce moment dans les champs par exemple), ça ne suffit clairement pas à faire une diversité suffisante pour un panier hebdomadaire à cuisiner pour se nourrir, et ça ne permet en quantité qu’un repas et, mettons, un apéro. L’enjeu est donc de réussir à avoir le plus de légumes dit « de conserves » produits en automne et début d’hiver (choux pommés et frisés, pommes de terre, courges, betteraves, céleris, navets, carottes et poireaux) et d’avoir les conditions de conservation adéquates pour pouvoir fournir des paniers le plus tard possible au printemps, grâce à cette réserve ; et compléter petit à petit avec les légumes primeurs au fur et à mesure qu’ils arrivent.
Chez nous par exemple et d’expérience, entre nos sols qui réchauffent vite mais qui sont très pauvres et pas du tout poussants (il faut qu’on compte en général 2 bonnes semaines de plus que sur un sol « poussant » pour que les légumes arrivent à maturité, et ils sont également plus petits) ; l’idéal serait de pouvoir fournir des légumes de conserve jusque début/mi-avril faire une pause de quelques semaines pour ensuite reprendre les récoltes vers mi-mai (en 3 ans, pour diverses raisons, comme manque de surface, mauvais stockage, manque d’expérience et mauvaises conditions climatiques, je n’ai pas encore réussi. C’est mon challenge).
Pour cela il faut évidemment une bonne réserve, et avec les conditions climatiques de 2012 (cf. pas mal d’articles de la catégorie « poisse« ), ça a été encore pire cette année : fin janvier, il n’y avait quasi plus rien à manger dans les champs et dans les réserves. Heureusement, le système solidaire des AMAPs et surtout parce que celles que je fournis sont très compréhensives, nous aide à surmonter cette énième période difficile tant économiquement que moralement (encore merci, tous).
Nous avons donc pris le parti de faire autant que possible dans la précocité dans l’espoir de réduire au maximum la période d’arrêt : semis hyper précoces de mesclun, radis divers, et donc, chou de Chine. Il y a deux ans, j’avais mal choisi la variété (peu adaptée à la culture de printemps) et j’avais pu en récolter quelques uns mais la plupart avait « monté » (je vais expliquer ce terme plus loin, pas de panique). De plus, j’avais l’impression que les AMAPiens n’avaient pas tellement apprécié ce légume, ce qui m’arrangeait aussi, vu que je ne m’y retrouvais pas du tout économiquement puisque nous avions donc travaillé pour ne quasi rien récolter et qu’en plus je n’avais pas tellement apprécié cette culture, ni d’ailleurs le légume en lui-même. Mais, beaucoup m’en ont réclamé en fin d’année quand il s’est agit de choisir les semences de 2013, et en théorie, comme expliqué plus haut, c’est une bonne stratégie pour le printemps.
Mouais…
Vous vous en doutez, vu le titre de l’article, ça ne s’est pas passé très exactement comme prévu.
Voici le résultat à J-7/10 d’une récolte possible : une fleur qui pousse au lieu d’avoir quelque chose qui ressemble plus à une bonne grosse salade chicorée bien dense.
C’est ce qu’on appelle « monter à graine »; et c’est ce qui se produit quand la plante a connu des conditions difficiles (conditions qui varient selon la plante concernée et la saison) ; ou/et qu’il se met à faire trop chaud d’un coup.
En gros, la plante se dit : « oulàlà, cette saison est bien mal barrée pour moi, si je ne me dépêche pas, je vais mourir avant de pouvoir me reproduire et perpétuer l’espèce, je vais vite me dépêcher de faire des graines, sans passer par la phase feuillage ». Ce qu’elle s’empresse donc de faire dès que les conditions semblent s’améliorer (de son point de vue, s’entend, parce que bon, si je pouvais avoir des discussions philosophiques avec certains d’entre ces légumes « à feuilles » ; on pourrait palabrer des jours sans se mettre d’accord, et pire, je n’arriverais certes pas à la convaincre de pousser correctement, c’te bande de têtus…).
Pourquoi ne pas consommer quand même le légume sous cette forme ? Parce que :
le chou de chine monté n’a qu’une très petite quantité de feuilles, qu’on pourrait consommer feuille par feuille au début de la montaison, mais il faudrait une 20aine de choux pour avoir l’équivalent d’un chou non monté. De plus, tout devient rapidement très fibreux et peu goûteux. Quant à toute la partie « tige », c’est sans intérêt, fibreux et dur. (je remets l’image du chou de chine attendu pour bien que vous vous rendiez compte de la différence, en cliquant sur cette photo).
Or, donc, forte de toutes ces connaissances et de mon expérience malheureuse d’il y a deux ans, j’avais quand même scrupuleusement choisi la variété que je voulais produire, le chou de chine Kaboko F1. La fiche conseil nous indique :
- qu’il est très hâtif (planté vers le 20 mars, nous aurions dû pouvoir les récolter d’ici 10 jours),
- qu’on le sème entre janvier et mars pour le récolter entre mai et juillet (j’ai choisi, par besoin, de le semer fin janvier, mais aussi pour ne pas risquer qu’il soit soumis à de fortes chaleurs (fortes chaleurs de fin mai-juin ; hein, donc bon ; ce n’est pas caniculaire non plus),
- TOLÉRANT À LA MONTAISON. …
C’était donc sans compter sur les conditions difficiles de début 2013 (pire que début 2012 ; qu’on croyait pourtant dans la profession la pire année maraîchère de tous les temps) : froid, pas de soleil (donc non plus de lumière), humide ; puis chaud comme un printemps, puis re-froid comme en hiver mais au printemps, etc… etc… de quoi faire perdre la tête même à n’importe qui disposant d’un peu de sang-froid, et donc à fortiori de n’importe quelle plante.
Pour le coup, TOUS les choux ont monté, cette fois ; c’est plus de 10 heures de boulot pour rien ! (sans compter le coût des semences/intrants).
300 choux de chine semés/plantés/engraissés/désherbés/bichonnés, pour rien. RIP le chou de chine.
En outre, il semblerait que les carottes primeurs aient des velléités de suivre le même chemin. C’est normal d’avoir sous serre au printemps, une proportion non négligeable de légumes montés quand ils ont été semés à l’automne, mais la proportion semble malheureusement cette année bien plus importante que d’habitude (et leur taille n’est pourtant pas encore suffisante pour permettre la récolte :-().
Vraiment dur le métier de maraîcher.
Il faut que tellement de paramètres soient réunis…et il faut des nerfs solides!
Merci pour toutes ces explications, et bon courage.
Est-ce qu’au moins tu pourras récupérer ces graines pour l’année prochaine ? (bah oui, faut pas rester sur un échec, la météo peut quand même pas rester pourrie autant d’années d’affilée… enfin espérons !)
En ce moment notre fermier nous « gave » de carottes et de chicons (endives), en fait les radis et les épinards sont seulement en train d’apparaître… et inutile de dire qu’ils sont les bienvenus ! 🙂
Florence >> merci pour votre soutien toujours indéfectible ! C’est une composante essentielle au maintien de notre moral et au plaisir que nous avons quand même toujours à faire ce boulot.
Mousty >> oui, c’est une bonne idée. On verra où en est la plante quand on décidera de la broyer pour laisser la place aux betteraves qui doivent venir derrière. Mais enfin, sinon, en théorie, tu sais bien qu’on n’a pas le droit de faire ça… :-(. C’est la mauvaise saisons pour tous les maraîchers en ce moment, ça doit à peine commencer dans le sud. Vous avez quand même de la chance d’avoir encore des carottes et des endives.
Ah ben non, je savais pas, je pensais que ça ne s’appliquait qu’aux semences ogm ! Cette loi stupide et scélérate serait donc passée pour toutes les semences ?! (Dans un précédent article tu parlais de semences auto-produites de petits pois non ? Si tu ne peux pas récupérer les graines, ça veut dire que tu ne peux pas faire une sélection naturelle des semences adaptées à tes conditions de travail ?)
oui j’en parle, mais je crois aussi que dans ce même article ou dans un autre dans lequel je parle petit-pois ou haricot bouffés par une certaine souris, dans les comm je crois, j’explique qu’on a pas le droit et les problèmes que ça pose (celui que tu soulèves justement)
Bonjour
je suis maraicher et je passais par là,
en région froide -10 regulierement cet hiver, j’ai des radis roses, épinards, blettes, chicorées, poireaux, mache… en février.
Je test le kaboko cet année , on verra bien.
On a tout à fait le droit de récuperer ses graines. Si c’est du F1 ça donnera juste une plante différente