Je l’ai déjà évoqué avec les choux de chine, les légumes sont très sensibles aux conditions climatiques et si elles ne sont pas cohérentes avec ce qu’ils ont prévu (température, pluviométrie, intensité lumineuse, durée du jour), ils se dépêchent de se reproduire pour être sûrs de faire des graines avant de dépérir (sans passer par la phase « bons à manger » qui précède).
On rencontre ce phénomène de « montée à graine » surtout au printemps quand les conditions climatiques sont très variables et qu’il peut suffire d’une semaine de différence au moment du semis pour changer complètement le destin de la plante. En maraîchage, on est calé à peu près d’une année sur l’autre en fonction du climat du coin, de son type de sol, des observations qu’on peut faire à chaque saison pour chaque culture, des moyens techniques dont on dispose (bac chauffant ou non, serre chauffée ou non, …), …
Mais en gros, pour une exploitation donnée, les dates de semis/plantations sont reproductibles d’une année sur l’autre pour une année à peu près normale et qui suit les saisons. Tout en sachant, qu’au printemps et pour les primeurs, on prend quelques risques (c’est une des raisons pour laquelle les primeurs sont plus chers).
Alors, voilà, quand on a un déficit de soleil, de lumière et de chaleur depuis plusieurs mois (pour les primeurs, parce que pour nous autres humains ça va faire plus d’un an maintenant ; et pour autant, est-ce qu’on monte à graine, nous, je vous le demande ?????) ; ben , ça ne se passe pas bien du tout, du tout dans les champs, et depuis le fiasco de choux évoqué plus haut, il ne se passe pas un jour sans qu’on déplore une défection légumière. Et croyez-moi, faut avoir un moral solide pour supporter ça.
Suivant les choux de chine, les carottes sous serre ne sont effectivement pas restées stoïques :
2/3 des carottes sont montées à graine contre environ 10% les autres années (sous serre, après 6 mois de culture, c’est une perte normale) : au lieu de 100 bottes par planche, nous n’en récoltons que 25-30. Pas de quoi pouvoir fournir 3 AMAPS
il faut s’imaginer que sur ce volume, nous en jetons les 2/3
Les radis longs type « glaçon », fait exprès pour le printemps, ont mis trop de temps à pousser et son montés avant d’atteindre la bonne taille pour être récoltés :
100% de perte pour cette culture que j’avais programmée pour changer un peu des navets primeurs. Je les ai vérifié 1 à 1, espérant quand même récolter de ces bons radis, mais ils ont tous scrupuleusement fait une bonne tige solide.
(clic pour voir des fleurs de radis)
Enfin, un peu de répit avec les épinards qui nous ont permis 4 récoltes avant de décréter que c’était bien leur tour de monter :
on voit bien le bourgeon floral au centre de cette touffe d’épinards
Ce qui ne monte pas à graine n’en peinent pas moins et beaucoup d’autres cultures rencontrent des problèmes. Les petits-pois par exemple, semés en février/mars on mis beaucoup de temps à pousser et sont déjà en retard d’un mois.
Ici, devant mon petit 37, la variété à rame qui devrait normalement déjà dépasser le grillage et avoir des fleurs
la variété naine présente mieux, avec ses fleurs, mais reste très basse pour la saison : j’ai peur qu’elle ne s’arrête à cette première série de fleurs
Les betteraves, plantées il y a un mois n’ont presque pas bougé. Ma crainte est qu’elles ne montent à graines dès que les conditions seront meilleurs pour elle. C’est un légume que je ne fais pas habituellement pour le printemps, mais qu’on a fait exceptionnellement cette année dès qu’on s’est rendu compte que tout peinait et qu’on n’allait pas avoir les quantité de légumes attendues ni nécessaires (tout comme le mesclun supplémentaire -… sans commentaire- ; les haricots sous serre et d’autres trucs que je prévois en plus grande quantité que d’habitude pour la suite).
Et, fin du fin, on a eu une gelée blanche post-saints de glaces, aujourd’hui 16 mai. En théorie passé le 15 mai, il n’y a plus de risque de gelée. Enfin, la théorie, c’était AVANT le changement climatique.
Devant Aline qui récolte les derniers épinards, on voit étinceler dans le soleil du matin les derniers cristaux de gelée sur cette feuille de courgette (clic pour une autre photo)
Je crois qu’on peut résumer la situation en affirmant qu’il y aura peu (pas ?) de primeurs cette année.
Bref, entre le temps qu’on subit, comme tout le monde, dans notre intégrité physique, avec absence de soleil et de chaleur depuis plus d’un an quand même, les légumes qui peinent et les cultures qui ratent pour cause de météo, l’angoisse de ne pas pouvoir fournir les AMAPs, malgré un travail acharné et la mise en place de cultures supplémentaires pour « sauver les meubles » (donc, encore plus de boulot, puisque les cultures supplémentaires prennent la place de cultures qu’on a déjà menées mais qui n’ont pas aboutit), la souris (ça, ça serait presqu’un divertissement à côté des déboires climatiques), les pertes financières que cela entraînent (dépenses supplémentaires à cause des rachats de semences, pertes de semences, mais aussi travail supplémentaire, avec en face, moins de vente donc moins de chiffre d’affaires pour payer tout ça) ; tant de problèmes récurrents (depuis plus d’un an ! ), on se sent vraiment démoralisés.
Courage, les récoltes d’été seront peut-être meilleures. Et si tu es en AMAP, le contrcoup doit être moins important, non ?
Salut Delf !
Ben dis donc, c’est chaud chez les maraîchers depuis un an ! Bon, et si pour consolider ton activité tu avais un atelier moins dépendant du climat à côté ? Faudrait un truc qui te prenne pas trop de temps. Les poules pondeuses ça n’allait pas et les animaux en général ça prend un temps fou. Un petit atelier de transformation des légumes ou petits fruits ? Hummm, ça aussi ça prend du temps et il faut que ces lskgjfksd de végétaux poussent d’abord……… Achète 600 ha. C’est ce que la conseillère de gestion de la chambre d’agriculture du 37 m’a donné comme réponse quand je lui ai demandé qui osait gagner 300 000 euros de primes pac chaque année ? ! Allez, on s’y met toutes les 2 et on investit chacune dans 300 ha de terres agricoles en Europe de l’Est, on n’y mettra jamais les pieds mais on touchera les primes comme les autres investisseurs !
Allez, courage courage, je pense bien à vous 3.
Fab >> oui c’est sûr les AMAPs permettent d’avoir un chiffre d’affaires stable mensuel et c’est confortable. Sans cela mon entreprise ne fonctionnerait pas du tout. Mais cela n’est pas du tout suffisant pour qu’elle fonctionne normalement (cf. plein d’autres articles ici) ; et qui plus est ça ne m’empêche pas les problèmes techniques/climatiques etc…etc… et le stress lié : au final, même si c’est réparti de façon égale mensuellement à la fn de mon exercice comptable j’ai le chiffre d’affaires qui correspond exactement à la quantité de légumes vendus aux AMAPiens ou autres, comme tout le monde.
Alex >> 😀 J’ai cru au début que tu allais me servir un discours sur ce qu’il fallait faire et je me suis demandé ce qu’il te prenait ^^. (mais moi, j’alme bien l’Europe de l’est, si tu veux, je serais la gérante déplacée, par contre, je préfère la Tchéquie si ça ne te fais rien ?). Bises toi aussi et à choupinette.
Ben;;
moi qui cherchait sur la toile quelque explications pour mes petites légumes tout rabougris, en tiges ou en fleurs.. dans mon potager de curé,
voir que des pros font les frais de ces conditions climatiques bizarres, me console de ne pas attendre après cela pour manger et d’avoir gardé quelques semis au chaud,
j’espère seulement que les beaux jours vont récompenser cette ténacité,
bon courage à vous
Merci 🙂